Par : José Domingos Barão
23 Abril 2016
Mon père a gagné
son pain comme cueilleur de latex sur les arbres à caoutchouc. Moi aussi, depuis
tout petit, j’ai appris à travailler dur. Dans les rues de Caitaú et de Tefé, deux
petites villes d’une région éloignée de l'Amazonas, j’ai vendu des bananes, des sucettes glacées
et du pain. D’une année à l’autre, mes 13 frères et moi avons « mendié »
nos droits à l'éducation, au travail et à la santé. Ces droits nous avaient été
volés par les politiciens qui, depuis toujours, ont fait la pluie et le beau
temps au Brésil. Jusqu’à il n’y a pas très longtemps, ces droits étaient
totalement ignorés.
Beaucoup d’enfants
provenant de familles appauvries comme moi, ont dû quitter leurs parents, leurs
amis et leur humble foyer pour aller tenter leur chance à Manaus, la capitale
de l'Amazonas. Forcés de vivre sous le toit des autres, nous avons été humiliés,
nous avons souffert de la faim, nous allions à l’école en marchant à pied pendant des
heures, car nous n’avions pas de sous pour le bus. Pour manger, nous n’avions bien
souvent que les restes de biscuits, de fruits ou de jus que des compagnons de
classe laissaient parfois traîner sur les tables. C’est de peine et de misère qu’un certain
nombre d’amis ou de jeunes de ma parenté ont réussi à finir leurs études
secondaires. Plusieurs, cependant, n’ont pas eu cette chance. Les uns ont été
avalés par le monde du crime, d’autres sont morts de la drogue et la plupart
ont fini victimes d’une société capitaliste qui exclut ceux qui ne lui sont pas
utiles.
Moi et 54
millions de Brésiliens, nous avons de très bonnes raisons de rappeler ce que l’ex-président Lula
a fait pour notre pays... Le Brésil, enlisé dans sa dette avec le FMI, n’avait
pas le respect de la communauté internationale. Aux yeux de celle-ci nous
étions simplement le pays du Carnaval (une
vulgaire extravagance, selon eux !) et le pays du football.
Quand Lula est arrivé au pouvoir, la différence
s’est fait sentir peu à peu. Des changements radicaux se sont introduits chez les
plus pauvres. Grâce au programme « Université pour Tous » (Prouni), plus
d'un million d'étudiants ont eu droit à des bourses d'études, intégrales ou partielles. Au cours du troisième mandat de Lula, le
« Système d'Élection Unifié » (Sisu) a ouvert les portes de
l’université à 119 000 nouveaux élèves. Dans mon État de l'Amazonas, la
création de nouvelles universités publiques a permis à la classe défavorisée, aux
Noirs et aux handicapés, d’avoir accès à une éducation supérieure et de se
qualifier pour de bons emplois.
Pour intégrer
les rangs de la police, militaire, civile et fédérale, des concours publics ont été tenus (une
première dans l’histoire de notre pays!). Plusieurs amis ont pu ainsi décrocher
un poste de policier. D'autres aussi, toujours par concours, ont pu se tailler
une place en éducation, en sciences, en technique et autres domaines. Et je ne
parle pas des autres politiques qui ont été mises de l’avant partout dans le
Brésil pour aider des millions de gens à sortir de la pauvreté.
Comme
ailleurs dans le monde, la corruption
est un cancer au Brésil. Je ne mettrais pas ma main au feu pour Lula, pour Dilma
ou pour quiconque est soupçonné de fraude. Je ne jugerai personne dont la
culpabilité n’aura pas été dûment prouvée par l’enquête présentement en cours. La
vie des Brésiliens, surtout les plus pauvres, est énormément affectée par cette
malhonnêteté qui contamine presque toutes les sphères de notre société. Mais si
la crise s’est aggravée, on peut l’attribuer en grande partie au pouvoir législatif qui, depuis presque deux
ans déjà, paralyse notre pays par un
travail d’obstruction systématique.
Lula et Dilma
ne sont pas des saints. Si, en justice, ils sont trouvés coupables de quelque crime, ils
devront subir les conséquences prévues par la loi. Il est triste, cependant, de voir comment une bonne partie de la
jeunesse se laisse influencer par des médias partisans. Il y en a plein de nos
jours au Brésil. Ces médias ne sont pas étrangers
à des coups d'état antérieurs, ils manipulent les nouvelles, sont impliqués
dans les scandales du football, et sont reconnus pour un manque flagrant d'éthique
dans leurs programmes de télévision. Ils crucifient leur prochain pour une poussière
dans l’œil sans remarquer la poutre qui bouche leurs propres yeux.
Je ne suis
pas membre du PT (Parti des Travailleurs
de Lula et Dilma). Je ne fais pas de politique. Je ne dépends pas de la
politique pour vivre. Mais je ne peux quand même pas oublier que c’est grâce aux
politiques du gouvernement de Lula, qu’aujourd'hui le Brésil envoie des corrompus
en prison, et que la police fédérale est autorisée à faire enquête même sur le
Président de la république. Grâce à Lula, un ministère de l’Intérieur (pas
toujours fiable, hélas) a été institué pour veiller à ce que les lois soient
respectées. Et c’est aussi grâce à lui que les Brésiliens et les Brésiliennes ont
le droit de protester publiquement sans se faire arrêter et se faire tabasser par
la force militaire, comme c’est souvent le cas, ici, en Afrique.
Chose certaine
c’est que je ne suis ni une bourrique ni un aveugle. On ne viendra pas me
convaincre qu’une minorité n’est pas en train de mettre en œuvre un véritable
coup d’état politique au Brésil. Je ne cèderai pas au sectarisme de ces gens
qui, par leurs manigances et leurs magouilles, utilisent leur siège au parlement pour s’emparer
du Gouvernement en se faisant fi du vote
populaire. Je ne peux accepter que des personnes sans morale, qui n’ont aucune
éthique pour juger qui que ce soit, passent pour être des « sauveurs »
de la patrie.
Je ne peux pas
accepter que, suite au spectacle honteux du 17 avril, un clown vienne rire de
nous et se moque de ses propres collègues du Congrès alors qu'il a mangé
lui-même dans la même assiette qu’eux. Humainement je ne peux juger personne qui
n’ait pas eu d’abord la possibilité de prouver son innocence en justice. Je ne
suis marié à personne. Que Dieu bénisse le Brésil. Qu’il bénisse notre peuple
humble et simple qui s’en remet à Dieu.
José Domingos Barão
23 Abril 2016
Traduit du portugais par E.R.